Définition de OBSCUR, URE
Prononciation : ob-skur', sku-r'. Au XVIe siècle, on prononçait oscur, d'après Bèze
DÉFINITIONS
1
Où il n'y a point de lumière. Une nuit obscure.Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 3
Fumée obscure
de Jean de ROTROU dans Herc. mour. III, 4
Par un chemin obscur une esclave me guide
de Jean RACINE dans Bajaz. I, 1
Il fait obscur, le jour a peu de lumière.
Il fait obscur en cet endroit, ce lieu n'est pas bien éclairé, on n'y voit pas bien clair.
Chaleur obscure, chaleur sans aucune lumière, comme celle qui est donnée par un boulet chauffé à deux ou trois cents degrés.
Pour reconnaître les effets de la chaleur obscure, c'est-à-dire de la chaleur privée de lumière, de flamme, et du feu libre, autant qu'il est possible, j'ai fait quelques expériences en grand, dont les résultats m'ont paru très intéressants
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. Introd. Oeuv. t. VII, p. 98
Chambre obscure, voyez, au mot NOIR, CHAMBRE NOIRE.
Nature : S. m. L'obscur, ce qui est privé de clarté.
C'est ainsi que la peinture divise en grandes masses ses clairs et ses obscurs
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Goût, variété.
Sémantique : Fig.
Que le poëte se ménage avec soin des passages du clair à l'obscur, du gracieux au terrible ; mais que cette variété soit harmonieuse, et qu'elle ne prenne jamais rien sur l'analogie du lieu de la scène avec l'action qui doit s'y passer
Clair-obscur, voy. CLAIR-OBSCUR.
2
En parlant de couleurs, de teintes, foncé, plus brun, plus chargé. Couleur obscure.Le reste du dessous du corps est d'une couleur jaunâtre, variée de taches longitudinales d'un vert obscur
Sémantique : Terme de peinture. Dont la couleur participe plus du brun que du clair. Tableau obscur. Ton obscur.
Sémantique : Fig. Il se dit de l'apparence, de la figure qui est sans vivacité.
La tête mal faite, les oreilles placées bas, des yeux trop petits et couverts, l'air obscur, les mouvements gauches, toute la figure ignoble, informe, un cri qui paraît machinal
3
Sémantique : Fig. Qui n'est pas bien marqué.Et bien qu'en ses douceurs mon déplaisir se noie, Je ne passe de l'une à l'autre extrémité Qu'avec un reste obscur d'esprit inquiété
de Pierre CORNEILLE dans Oth. V, 7
4
Qui n'est pas bien intelligible, qui se fait difficilement comprendre.J'évite d'être long et je deviens obscur
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Selon que votre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit ou moins nette ou plus pure
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. I
....Vous croyez dans vos rimes obscures Aux Saumaises futurs préparer des tortures
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. IX
Il a fait assembler ceux qui savent le mieux Lire en un songe obscur les volontés des cieux
de Jean RACINE dans Esth. II, 1
Il n'y a point, dans toute l'antiquité, d'histoire plus obscure, ni plus incertaine que celle des premiers rois d'Égypte
Les affaires n'eurent jamais rien d'obscur que M. de Villeroi n'éclaircît
Quand il [Malebranche] a voulu développer cette grande vérité, que tout est en Dieu, tous les lecteurs ont dit que le commentaire est plus obscur que le texte
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. tout est en Dieu.
Je n'aurais point percé les ténèbres frivoles D'un vain sens déguisé sous d'obscures paroles
Non, non : chercher ainsi l'obscure vérité, C'est usurper les droits de la divinité
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans ib. IV, 1
Les remords de Cassandre et ses obscurs discours
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Olympie, I, 3
Le vrai moyen d'écrire d'une manière obscure, c'est de ne faire qu'une phrase où il en faut plusieurs, ou d'en faire plusieurs où il n'en faut qu'une
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Art d'écr. III, 3
L'étude opiniâtre des obscurs livres de Rameau
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. V
Glose d'Orléans, plus obscure que le texte, se dit d'une chose qu'on a rendue plus obscure, plus difficile, à force de la commenter, de l'expliquer (locution prise de l'ancienne école de droit d'Orléans et de ses disputes).
Obscur, qui ne comprend pas très bien. Les esprits des hommes sont ordinairement faibles et obscurs, Port-Royal, logiq. III, 19.
5
Qui appartient aux classes inférieures et sans renom de la société.Osmin : Ce palais est tout plein...Acomat : Oui, d'esclaves obscurs Nourris loin de la guerre, à l'ombre de ses murs
de Jean RACINE dans Bajaz. IV, 7
Dans le vulgaire obscur si le sort l'a placé [un enfant]
de Jean RACINE dans Athal. II, 5
Je suis un homme de lettres, et je n'ai jamais rien publié ; ainsi je suis plus obscur que beaucoup de mes confrères qui ont écrit
Mais c'est peu qu'indignés d'un honteux esclavage, Des mécontents obscurs soient pour nous déclarés
de Casimir DELAVIGNE dans Vêpr. sicil. I, 1
Cet homme est d'une naissance, d'une famille obscure, est né de parents obscurs, c'est-à-dire il n'est pas né dans une classe distinguée.
Virgile naquit dans un village nommé Andes, près de Mantoue, de parents fort obscurs, sous le consulat de Cn. Pompeius Magnus et de M. Licinius Crassus
Les obscurs, en italien gli oscuri, nom que prennent les membres d'une académie de Lucques.
Il se dit des choses, dans un sens analogue.
Mon coeur libre d'ailleurs, sans craindre les murmures, Peut brûler à son choix dans des flammes obscures
de Jean RACINE dans Bérén. III, 1
Vous, dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition Dans les honneurs obscurs de quelque légion
de Jean RACINE dans Brit. I, 2
Heureux qui, satisfait de son humble fortune,... Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché !
de Jean RACINE dans Iph. I, 1
Il n'y a point de vertu, quelque obscure qu'elle soit, qui ne soit utile et nécessaire au bonheur de la société
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Ét. hist. III, 4
6
Qui est sans renom, sans gloire.Voudrais-je, de la terre inutile fardeau.... Attendre chez mon père une obscure vieillesse ?
de Jean RACINE dans Iph. I, 2
Montrez-moi seulement dans vos moeurs des traces légères de pénitence ; quoi ! les lois de l'Église ? mais elles ne regardent plus les personnes d'un certain rang, et l'usage en a presque fait des devoirs obscurs et populaires
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Élus.
Ni souffrir que l'amour, remplissant ce grand coeur, Enchaînât près de moi votre obscure valeur
À travers tant d'écueils les dieux qui m'ont sauvé, Au plus obscur trépas ne m'ont point réservé
de LA FOSSE dans Marius à Mint. II, 1
7
Inconnu, caché. L'obscur avenir.Et les siècles obscurs devant moi se découvrent
de Jean RACINE dans Athal. III, 7
SYNONYME
1
OBSCUR, SOMBRE. Obscur dit plus que sombre : un jour est sombre, une nuit est obscure.HISTORIQUE
1
XIIe s.Lieu oscur
dans Ronc. 147
La merciz m'est tant obscure Que je ne la puis veoir
dans Couci, IV
E quant il s'en ala la nuit en l'oscur seir [soir]
dans Th. le mart. 52
2
XIIIe s.Et la nuis estoit mout et hideuse et oscure
dans Berte, XLII
El [Beauté] ne fu oscure ne brune, Ains fu clere comme la lune
dans la Rose, 999
3
XIVe s.Ce n'est pas chose non manifeste ou obscure, que l'en ne doit pas rendre ou faire à tous unes meismes choses
de Nicolas ORESME dans Eth. 261
Garin, poure homme, sourt, malade de maladies obscures [épilepsie], desquelles il chiet [tombe] souvent soubdainement
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans morbus.
4
XVIe s.Maistre et remettre, aussi cueurs et obscurs, Ce sont beaux mots : mais en rithme ils sont durs
de Clément MAROT dans II, 208
Il ne faisoit pas si obscur que l'on ne veist du tout goutte
de Jacques AMYOT dans Pompée, 49
Ville obscure et de peu de renommée
de Jacques AMYOT dans Démosth. 1
Appele ne representa pas sa naïfve couleur, ains le feit brun et plus obscur qu'il n'estoit au visage
de Jacques AMYOT dans Alex. 6
Eslever en haut d'un mouvement obscur [insensible]
de Ambroise PARÉ dans I, 28
Un son grave et obscur
de Ambroise PARÉ dans IV, 10
Au fon d'enfer va pleurer tes ennuis, Parmy l'obscur des eternelles nuicts
de Joachim DU BELLAY dans II, 32, verso.
L'obscur m'est jour ; le jour m'est une nuit
de Pierre de RONSARD dans 80
ÉTYMOLOGIE
1
Picard, oscur ; du lat. obscurus, de ob, et scurus, qui n'existe pas, mais que l'on conjecture, comme nom d'agent, de la même racine qui a donné scutum, bouclier ; ob-scu-rus signifierait recouvrant tout autour ; comparez le sanscrit sku, couvrir.